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Témoignage : "Comment j'ai vaincu mon émétophobie après 15 ans de souffrance"

Le témoignage émouvant de Marie qui a surmonté une émétophobie sévère après 15 ans de restrictions. Un message d'espoir pour tous ceux qui souffrent encore.

Le témoignage émouvant de Marie qui a surmonté une émétophobie sévère après 15 ans de restrictions. Un message d'espoir pour tous ceux qui souffrent encore.

Ce témoignage a été recueilli avec l’accord de Marie (prénom modifié), qui a accepté de partager son parcours pour inspirer d’autres personnes dans la même situation.


”Ma vie était devenue une prison”

Bonjour, je m’appelle Marie, j’ai 32 ans, et j’aimerais partager avec vous mon histoire. Pendant 15 longues années, l’émétophobie a contrôlé ma vie. Aujourd’hui, je peux enfin dire que j’ai retrouvé ma liberté.

Tout a commencé quand j’avais 12 ans. Une gastro-entérite particulièrement violente m’avait clouée au lit pendant trois jours. Je me souviens encore de cette nuit où j’étais seule, terrifiée, vomissant sans pouvoir m’arrêter. Cette nuit a marqué le début de mes 15 ans d’enfer.

Les premiers symptômes

Au début, mes parents pensaient que j’étais juste “difficile” avec la nourriture. Mais c’était bien plus que ça :

  • Je refusais de manger dans la cantine scolaire
  • Je vérifiiais obsessionnellement les dates de péremption
  • Je portais toujours un sac plastique dans mon cartable “au cas où”
  • Je évitais les anniversaires et les sorties avec mes amis

“Tu exagères, ce n’est que dans ta tête” - combien de fois ai-je entendu ça ?

L’aggravation à l’âge adulte

Avec les années, ma peur s’est intensifiée. À 20 ans, j’étais devenue végétarienne par peur de la viande avariée. À 25 ans, je ne mangeais plus au restaurant. À 30 ans, ma liste d’aliments “sûrs” tenait sur une feuille A4.

Ma vie sociale était inexistante :

  • Plus de sorties entre amis
  • Relations amoureuses compliquées
  • Refus catégorique d’avoir des enfants (peur des vomissements de grossesse)
  • Télétravail pour éviter les gastros de bureau

Le point le plus bas ? Quand j’ai refusé un poste qui m’intéressait vraiment parce qu’il fallait voyager régulièrement. J’ai réalisé que ma peur dirigeait entièrement ma vie.

La prise de conscience

Le déclic

En mars 2023, ma meilleure amie m’a confrontée : “Marie, tu ne vis plus, tu survives. Il faut que tu fasses quelque chose.” Elle avait raison. J’avais 30 ans et je n’avais jamais vraiment vécu.

Cette même semaine, je suis tombée sur un article qui parlait d’émétophobie. Pour la première fois, je mettais un nom sur ce qui me rongeait depuis des années. Ce n’était pas de la faiblesse, c’était une vraie phobie, et surtout : ça se soignait.

Les premières recherches

J’ai passé des heures à me documenter :

  • Articles scientifiques sur la TCC
  • Témoignages sur les forums
  • Recherche de thérapeutes spécialisés

Le problème : les thérapeutes spécialisés en émétophobie étaient rares dans ma région, et les tarifs non remboursés étaient prohibitifs pour mon budget d’étudiante.

La découverte des thérapies TCC

Pourquoi j’ai décidé d’essayer

En septembre 2024, j’ai découvert les thérapies comportementales et cognitives (TCC) spécialisées dans l’émétophobie. Au début, j’étais sceptique : “Comment ces méthodes peuvent-elles m’aider après 15 ans de galère ?”

Mais plusieurs points m’ont convaincue :

  • Approche scientifique validée par des études
  • Progression graduelle respectant mon rythme
  • Techniques concrètes et praticables au quotidien
  • Possibilité de travailler seule au début

J’ai commencé ma démarche un dimanche soir, terrifiée mais déterminée.

Les premiers pas

Semaine 1 - L’auto-évaluation initiale

J’ai commencé par faire une évaluation honnête de mes symptômes et de mes évitements. Mon niveau d’anxiété initial était de 8,5/10 sur l’échelle SUDs - je réalisais à quel point j’étais mal.

Semaine 2 - Premier exercice d’exposition

Mon premier exercice : simplement écrire le mot “vomir” sur une feuille. Ça peut paraître ridicule, mais j’ai mis 20 minutes à m’y résoudre. Mon cœur battait à 100 à l’heure.

Mais je l’ai fait. Et le monde ne s’est pas écroulé.

La progression niveau par niveau

Niveau 1 : Les mots (Octobre 2023)

  • Écrire et prononcer les mots déclencheurs
  • SUDs moyen : de 8 à 5 en 3 semaines
  • Première victoire : j’ai dit “j’ai mal au cœur” à voix haute

“C’est fou comme des mots qui me terrorisaient sont devenus… juste des mots.”

Niveau 2 : Les descriptions (Novembre 2023)

  • Lire des témoignages de gastro-entérites
  • Écrire mon propre récit traumatisant
  • Challenge : relire mon journal intime de l’époque

Moment clé : j’ai pu réécrire l’événement traumatisant de mes 12 ans avec un regard d’adulte. J’ai réalisé que j’avais survécu et que ça n’avait duré qu’une nuit.

Niveau 3 : Les images (Décembre 2024-Janvier 2025)

Le niveau le plus difficile pour moi. Les premières images m’ont fait fuir littéralement de mon canapé.

Stratégie gagnante :

  • Commencer par des dessins très stylisés
  • Progresser vers des photos réelles
  • Utiliser la respiration cohérence cardiaque d’appoint

Breakthrough moment : fin janvier, j’ai regardé une photo réaliste pendant 2 minutes entières sans fuir.

Niveau 4 : Les sons et situations réelles (Février-Mars 2025)

  • Écouter des enregistrements (avec casque d’abord)
  • Exercices interoceptifs (tourner, respirations)
  • Défi ultime : aller dans un bar un samedi soir

Les changements concrets dans ma vie

Alimentation

Avant : 15 aliments “sûrs”, jamais au restaurant Après : Je redécouvre le plaisir de manger ! Première pizza en 10 ans le mois dernier 🍕

Vie sociale

Première sortie restaurant : Mars 2025, j’y suis allée en tremblant mais j’y suis allée ! Première soirée chez des amis : Avril 2025, j’ai même mangé leur cuisine Premier voyage : Prévu cet été, j’ai hâte !

Relations

J’ai repris contact avec d’anciens amis perdus de vue. Je leur ai expliqué mon parcours, et leur soutien m’a énormément touchée.

Côté amour, j’ai rencontré quelqu’un en mai. Au lieu de fuir quand il a eu une gastro, je l’ai soigné. J’étais fière de moi.

Travail

Je suis retournée au bureau en mode hybride. Finies les excuses bidon pour éviter les pots de départ !

Les difficultés du parcours

Les rechutes

Transparence totale : j’ai eu des rechutes. En décembre, une vraie gastro m’a replongée dans l’anxiété pendant une semaine. Mon SUDs est remonté à 7.

Ce qui a changé : cette fois, j’avais des outils ! Respiration, restructuration cognitive, exercices d’exposition dès que j’ai été rétablie.

La patience nécessaire

6 mois de travail régulier avant de vraiment sentir une différence. Il faut s’armer de patience et accepter que la progression ne soit pas linéaire.

Le regard des autres

Expliquer l’émétophobie reste compliqué. “Mais enfin, tout le monde déteste vomir !” - oui, mais tout le monde ne développe pas de phobie pour autant.

Astuce : j’ai préparé une phrase simple : “C’est comme avoir peur des araignées, mais avec le vomissement. Mon cerveau réagit de façon disproportionnée.”

Mes conseils pour ceux qui commencent

1. Y aller progressivement

Ne brûlez pas les étapes ! J’ai voulu aller trop vite au niveau 3 et j’ai reculé de deux semaines. Respectez votre rythme.

2. Tenir un journal

Noter ses SUDs, ses réussites, ses difficultés. Visualiser ses progrès est très motivant quand on a des moments de doute.

3. Célébrer les petites victoires

Manger une pomme sans vérifier 3 fois la date ? Victoire ! Regarder une image 30 secondes ? Victoire ! Prononcer le mot redouté ? VICTOIRE !

4. Ne pas se juger

L’émétophobie n’est pas une faiblesse. C’est un trouble anxieux réel qui mérite d’être pris au sérieux et traité avec bienveillance.

5. S’entourer

Parlez-en à vos proches. Leur soutien est précieux, même s’ils ne comprennent pas toujours.

L’importance des outils d’auto-aide

Pourquoi la TCC auto-guidée a fonctionné pour moi

Accessibilité : Je peux travailler à mon rythme, quand je le souhaite Anonymat : Crucial pour moi au début, avant d’oser consulter Structure : Progression claire et rassurante des exercices Autonomie : Reprendre le contrôle de ma guérison Coût : Moins cher qu’un suivi privé intensif

Complémentarité avec un thérapeute

Depuis avril 2025, je vois aussi un thérapeute TCC une fois par mois. Le travail personnel et l’accompagnement professionnel se complètent parfaitement :

  • Le travail quotidien en autonomie avec les techniques apprises
  • Le thérapeute pour le recul et les moments difficiles

Ma vie aujourd’hui (Septembre 2025)

SUDs moyen actuel : 2,5/10 Aliments évités : Aucun (prudence normale sur dates de péremption) Sorties sociales : 2-3 par semaine Projets : Voyage en Italie prévu, peut-être des enfants dans quelques années

Ce qui a changé dans ma tête

Le plus grand changement ? Je ne pense plus au vomissement 50 fois par jour. Parfois, des journées entières passent sans que j’y pense.

Quand l’anxiété revient (ça arrive encore), j’ai des outils :

  • Respiration cohérence cardiaque
  • Restructuration cognitive automatique
  • Exposition “boost” si nécessaire

Je ne subis plus ma peur, je la gère.

Mon message d’espoir

Si vous lisez ceci et que vous souffrez d’émétophobie, sachez que :

✅ Ce n’est PAS de votre faute ✅ Ce n’est PAS “dans votre tête” ✅ Vous n’êtes PAS “faible” ✅ Vous n’êtes PAS seul(e) ✅ Ça SE SOIGNE

J’ai perdu 15 ans de ma vie à cause de cette phobie. Mais aujourd’hui, j’ai 32 ans et j’ai enfin commencé à vivre.

Il n’est jamais trop tard pour s’en sortir. Vous le méritez. Vous en êtes capable.


Un an après avoir commencé mon parcours de guérison, je peux dire que l’émétophobie ne contrôle plus ma vie. Elle fait encore partie de mon histoire, mais elle n’écrit plus mon futur. À tous ceux qui se battent encore : accrochez-vous, ça en vaut la peine.

Marie, septembre 2025


Ressources mentionnées

  • Thérapie TCC : Thérapie comportementale et cognitive pour l’émétophobie
  • Cohérence cardiaque : Technique de respiration 5-5-5
  • AFTCC : Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive
  • Forums spécialisés : Espaces d’échange bienveillants (modérés)

Si ce témoignage vous a aidé(e) ou si vous souhaitez partager votre propre histoire, n’hésitez pas à nous contacter à contact@calmena.app

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