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Émétophobie et grossesse : comment gérer la peur de vomir quand on est enceinte
L'émétophobie complique souvent le désir de maternité. Découvrez comment gérer la peur de vomir pendant la grossesse avec des stratégies concrètes et bienveillantes.

Émétophobie et grossesse : un dilemme courant mais surmontable
Pour de nombreuses femmes émétophobes, la grossesse représente un véritable défi psychologique. La perspective des nausées matinales, des vomissements du premier trimestre et même des éventuels vomissements d’un futur bébé peut sembler insurmontable. Pourtant, des milliers de femmes émétophobes deviennent mères chaque année et traversent cette période avec succès.
Un obstacle fréquent au projet de maternité
L’émétophobie affecte significativement les choix de vie reproductive :
- 30 à 40% des femmes émétophobes rapportent avoir retardé ou abandonné un projet de grossesse
- La peur des nausées gravidiques figure parmi les premiers obstacles cités
- Cette appréhension peut créer des tensions dans le couple et un sentiment de culpabilité
“Pendant des années, j’ai dit que je ne voulais pas d’enfants. En réalité, j’en voulais désespérément, mais la simple idée des nausées de grossesse me paralysait.” — Témoignage anonyme
Comprendre les nausées de grossesse
La réalité statistique rassurante
Contrairement aux idées reçues, toutes les femmes enceintes ne vomissent pas :
| Situation | Pourcentage |
|---|---|
| Nausées sans vomissement | 50-70% |
| Vomissements occasionnels | 20-30% |
| Vomissements fréquents | 5-10% |
| Hyperémèse gravidique (sévère) | 0,3-3% |
Point clé : La majorité des femmes enceintes ressentent des nausées mais ne vomissent pas ou peu. L’émétophobie amplifie souvent la perception du risque réel.
Quand surviennent les nausées ?
Timeline typique :
- Semaines 4-6 : Début des nausées (si présentes)
- Semaines 8-12 : Pic d’intensité
- Semaines 12-16 : Diminution progressive
- Après 16 semaines : Disparition pour 90% des femmes
Cette fenêtre temporelle limitée est un élément rassurant : même dans le pire des cas, les symptômes sont temporaires.
Pourquoi les nausées surviennent-elles ?
Les nausées de grossesse sont causées par :
- L’hormone hCG : produite par le placenta en développement
- Les œstrogènes : en forte augmentation
- La sensibilité olfactive : multipliée pendant la grossesse
- Les changements métaboliques : hypoglycémie matinale fréquente
Paradoxalement, les nausées sont souvent signe d’une grossesse qui évolue bien — elles sont associées à un risque plus faible de fausse couche.
Stratégies préventives avant la grossesse
Travailler son émétophobie en amont
Recommandation prioritaire : Entamer un travail thérapeutique TCC avant la conception.
Avantages :
- Réduire l’anxiété de base face au vomissement
- Acquérir des outils de gestion de crise
- Développer une tolérance aux sensations corporelles
- Aborder la grossesse avec plus de sérénité
Objectif réaliste : Non pas supprimer totalement la peur, mais la ramener à un niveau gérable.
Constituer son équipe médicale
Avant la conception, identifiez :
- Un gynécologue-obstétricien informé de votre émétophobie
- Un thérapeute TCC disponible pendant la grossesse
- Une sage-femme sensibilisée aux troubles anxieux
- Un médecin traitant coordonnant le suivi
Conseil : Expliquez clairement votre émétophobie aux professionnels de santé. Un accompagnement adapté fait toute la différence.
Gestion des nausées pendant la grossesse
Mesures diététiques préventives
Alimentation anti-nausées :
- Fractionner les repas : 5-6 petits repas plutôt que 3 gros
- Éviter l’estomac vide : avoir des crackers sur la table de nuit
- Privilégier les glucides : pain, riz, pâtes, pommes de terre
- Manger froid : moins d’odeurs nauséabondes
- Rester hydratée : petites gorgées régulières
Aliments souvent bien tolérés :
- Gingembre (tisane, biscuits, bonbons)
- Citron (eau citronnée, bonbons)
- Menthe poivrée (tisane, huile essentielle en diffusion)
- Aliments salés et secs
- Fruits frais et sorbets
Traitements médicamenteux sûrs
Traitements de première intention (sur prescription) :
| Médicament | Type | Efficacité |
|---|---|---|
| Doxylamine + Vitamine B6 | Antihistaminique | Très efficace |
| Métoclopramide | Antiémétique | Efficace |
| Ondansétron | Antiémétique | Très efficace (cas sévères) |
Important : Ces traitements sont compatibles avec la grossesse et validés par de nombreuses études. Ne pas hésiter à en parler à son médecin.
Techniques de gestion de l’anxiété
Cohérence cardiaque :
- 5 secondes d’inspiration
- 5 secondes d’expiration
- 5 minutes, 3 fois par jour
- Particulièrement efficace au réveil
Ancrage sensoriel :
- Concentrez-vous sur 5 choses que vous voyez
- 4 sons que vous entendez
- 3 textures que vous touchez
- 2 odeurs que vous sentez
- 1 goût dans votre bouche
Relaxation musculaire progressive :
- Contractez puis relâchez chaque groupe musculaire
- De la tête aux pieds
- 10-15 minutes par jour
Restructuration cognitive pour les pensées catastrophiques
Pensées typiques et alternatives
| Pensée catastrophique | Alternative réaliste |
|---|---|
| ”Je vais vomir sans arrêt pendant 9 mois" | "Les nausées durent généralement 12-16 semaines, et la majorité des femmes ne vomissent pas" |
| "Je ne pourrai pas supporter les vomissements" | "J’ai déjà survécu à des situations difficiles, et des traitements efficaces existent" |
| "Mon bébé souffrira si je suis anxieuse" | "Le stress modéré n’affecte pas le développement du bébé, et prendre soin de ma santé mentale est bénéfique pour nous deux" |
| "Je serai une mauvaise mère si je ne gère pas" | "Demander de l’aide est un signe de force, pas de faiblesse” |
Le piège de la surveillance excessive
Comportements à éviter :
- Scruter chaque sensation digestive
- Se demander constamment “vais-je vomir ?”
- Éviter toute alimentation “à risque”
- Rechercher constamment de la réassurance
Alternative : Accepter que des nausées puissent survenir, que c’est inconfortable mais gérable, et recentrer son attention sur des activités agréables.
Témoignages de femmes émétophobes devenues mères
Sophie, 34 ans — Première grossesse
“J’ai été émétophobe sévère pendant 20 ans. Quand j’ai appris que j’étais enceinte, j’ai paniqué. Les premières semaines ont été angoissantes : chaque matin, je me demandais si ça allait être ‘le jour’. Finalement, j’ai eu des nausées légères pendant 6 semaines, mais je n’ai jamais vomi. Mon gynécologue m’avait prescrit un traitement préventif que j’ai pris dès les premiers signes, et ma thérapeute TCC m’a suivie tout au long. Ma fille a 2 ans aujourd’hui, et je n’ai aucun regret.”
Marine, 29 ans — Hyperémèse gravidique
“J’ai fait partie des cas difficiles : hyperémèse gravidique avec vomissements quotidiens pendant 4 mois. Paradoxalement, cette expérience m’a guérie en partie de mon émétophobie. J’ai découvert que vomir n’était pas la catastrophe que j’imaginais. Oui, c’était désagréable, mais j’ai survécu. J’ai été hospitalisée deux fois pour réhydratation, j’ai eu un traitement adapté, et mon fils est né en parfaite santé. Aujourd’hui, je suis enceinte de mon deuxième.”
Léa, 31 ans — Deux grossesses
“Pour ma première grossesse, j’étais terrifiée. J’avais préparé des sacs partout, je ne sortais plus, j’avais arrêté de travailler. En fait, j’ai eu quelques haut-le-cœur sans jamais vomir. Pour la deuxième, j’étais beaucoup plus sereine — je savais que mon corps gérait bien. Je conseille vraiment de faire un travail TCC avant, ça change tout.”
Gérer l’après-naissance : les vomissements du bébé
Réalité des régurgitations infantiles
Un autre aspect de l’émétophobie parentale : les régurgitations du nourrisson.
Points rassurants :
- Les régurgitations du bébé sont très différentes des vomissements adultes
- Il s’agit souvent de petites remontées de lait indolores
- Le bébé n’en souffre généralement pas
- Elles diminuent après 6-12 mois avec la diversification alimentaire
Stratégies d’adaptation
Préparation pratique :
- Avoir des bavoirs et langes à portée de main
- Prévoir des vêtements de rechange (pour vous et bébé)
- Utiliser des alèses lavables
Préparation mentale :
- Exposition progressive aux images/vidéos de bébés régurgitant
- Normaliser l’idée que les bébés régurgitent souvent
- Se rappeler que c’est un processus naturel et temporaire
Conseil : De nombreuses mères émétophobes rapportent que les régurgitations de leur propre bébé les dérangent beaucoup moins que celles d’autres personnes.
Quand consulter et où trouver de l’aide
Signaux d’alerte nécessitant une consultation urgente
Pendant la grossesse :
- Vomissements empêchant toute alimentation pendant 24h+
- Perte de poids significative (> 5% du poids initial)
- Signes de déshydratation (urines foncées, étourdissements)
- Pensées anxieuses envahissantes affectant le fonctionnement quotidien
Ressources spécialisées
Professionnels recommandés :
- Psychologues TCC spécialisés en périnatalité
- Sages-femmes formées à l’accompagnement psychologique
- PMI (Protection Maternelle et Infantile) pour un suivi gratuit
- Psychiatres périnatals en cas de trouble anxieux sévère
Associations :
- AFTCC (Association Française de TCC) pour trouver un thérapeute
- Maman Blues pour le soutien en périnatalité
- Forums spécialisés émétophobie (avec modération)
Plan d’action : préparer sa grossesse sereinement
6 mois avant la conception
- Consulter un thérapeute TCC pour travailler l’émétophobie
- Informer son gynécologue du trouble anxieux
- Établir un plan anti-nausées avec son médecin
- Pratiquer quotidiennement la relaxation et la cohérence cardiaque
Pendant la grossesse
- Maintenir le suivi psychologique (séances plus rapprochées si besoin)
- Appliquer les mesures préventives dès le début
- Ne pas hésiter à demander un traitement si les nausées surviennent
- Utiliser les techniques de gestion de l’anxiété quotidiennement
- Se rappeler : c’est temporaire et gérable
Après la naissance
- Continuer le suivi si nécessaire (émétophobie peut fluctuer)
- Exposition progressive aux régurgitations du bébé
- Célébrer la réussite : vous avez traversé cette épreuve !
Conclusion : la maternité est possible
L’émétophobie ne doit pas vous priver de la maternité si c’est votre souhait. Avec une préparation adéquate, un accompagnement professionnel et des stratégies adaptées, des milliers de femmes émétophobes vivent des grossesses sereines chaque année.
Points clés à retenir :
- La majorité des femmes enceintes ne vomissent pas ou peu
- Les nausées sont temporaires (généralement 12-16 semaines)
- Des traitements efficaces et sûrs existent
- Un travail TCC en amont facilite considérablement l’expérience
- Vous êtes plus forte que vous ne le pensez
L’arrivée d’un enfant peut même devenir une opportunité de progresser face à l’émétophobie. De nombreuses mères témoignent que la grossesse et la parentalité les ont aidées à relativiser leur peur et à développer une relation plus apaisée avec leur corps.
Cet article ne remplace pas une consultation médicale. En cas de grossesse ou de projet de grossesse avec émétophobie, consultez un professionnel de santé pour un accompagnement personnalisé.



